Le pont dormant et la façade S-E, la façade N-O Renaissance intérieure, la façade N-O vue des jardins
Voici une ébauche d'un article sur le château de Bussy-Rabutin qui sera enrichi historiquement un peu plus tard avec des documents en instance. Bonne lecture !
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"Bussy n'est pas une grande maison, mais elle est bâtie magnifiquement et les dedans sont d'une beauté singulière et qu'on ne voit point ailleurs."
C'est ainsi que le comte Roger de Busy-Rabutin fait les honneurs de son château.
Le château de Bussy-Rabutin ou château de Bussy-le-Grand est un édifice du 12 et 14ème siècle, de style Renaissance à Bussy-le-Grand, Côte-d'Or, en Bourgogne. Le château est classé Monument Historique en 1862 et le domaine est classé monument historique le 29 mars 2005. Le château est labellisé Maison des Illustres. Propriété de l'État depuis 1929 avec une centaine d’autres monuments, il est géré et animé par le centre des monuments nationaux du Ministère de la Culture.
"une vallée large et belle, où le Rabutin roule ses eaux bruyante au milieu de jolies prairies, nous conduit au château de Bussy, élevé non loin de la route au sommet de la colline. On y arrive par des chemins tellement sinueux et rapides qu'il faut être, en quelques sortes; à ses portes pour l'apercevoir; mais, en gravissant la côte opposée, le château se montre alors dans son ensemble, précédé de ses jardins à la française à plusieurs terrasses, et entouré de massifs d'arbres séculaires d'une couleur sombre et vigoureuse, qui, en lui servant de fond, lui permettent de se détacher continuellement en lumière". Claude Sauvageot, Palais, châteaux, hôtels et maisons de France. Paris, 1867.
Quelques rares documents permettent de remonter aux origines du domaine de Bussy. Dès le 12ème siècle, parmi le bienfaiteurs de l'abbaye de Fontenay, située dans une vallée voisine de quelques kilomètres de Bussy, est un certain Renaudin de Bussy. La terre n'est, quand à elle, mentionnée qu'au début du 15ème siècle, lors du mariage entre Agnès de Chaussin et un seigneur nivernais, Jean de Chastillon.
Le château en vendu, le 21 janvier 1733, pour 100.000 livres, à Etienne Dagonneau de Marcilly, conseiller au parlement de Dijon et à son épouse Geneviève Alexis de Salins. Cette famille est l'exemple type de l'enrichissement de la noblesse de robe en Bourgogne.
Veuve en 1738, Geneviève conserve le fief au nom de ses enfants, Etienne-Marie et Pierre-Marguerite. Tenace dans son désir de recouvrer les droits seigneuriaux autrefois attachés au domaine, ce qu'elle tentera en 1759 puis en 1764, elle le remet en état : les ponts et les douves sont refaits entre 1747 et 1752, les bâtiments des communs restaurés, de même que le parc où les allées sont tracées.
Après un différend avec son fils prodigue Etienne-Marie et un procés qu'elle remporte, Geneviève meurt, après avoir fait de son cousin germain Denis Prévost, chanoine à la cathédrale de Rouen, son légataire universel.
En 1792, le domaine est mis sous séquestre et le mobilier vendu pour satisfaire les créanciers d'Etienne-Marie, mais son héritage tombe entre les mains de la République.
Pour sortir de l'indivis, le tribunal civil de Semur-en-Auxois adjuge par licitation (vente aux enchères), le domaine au comte Jean-Baptiste César de Sarcus, originaire de Picardie pour 230.000 francs. La famille de Sarcus possédait un joli château dont les gravures et les ruines subsistantes ne sont pas sans rappeler l'allure de Bussy.
Capitaine de cavalerie de Louis XVIII, qu'il a suivi en Belgique, le comte Jean-Baptiste César de Sarcus sert avec fidélité le duc de Berry. Entre 1815 et 1820, il tient le poste de capitaine des régiments des chasseurs de la Côte-d'Or. En 1817, il épouse Bénigne-Victoire Espiard de Macon (1783-1864); alliance qui achève de le fixer en Bourgogne.
Peintre amateur et érudit passionné, Sarcus entreprend une véritable résurrection du domaine. Non seulement le jardin est remis en état et agrémenté de statues et d'une fontaine à la nymphe, mais même les façades du château sont restaurées : le blason de la famille est appliqué au-dessus de la porte d'entrée et dans la frise de la galerie est, les blasons illisibles sont remplacés par ceux des ancêtres des Sarcus.
Dans les archives du château, conservées à Dijon, listes d'achat et projets d'encadrement et de mise en place des oeuvres attestent l'importance du travail accompli entre 1835 et 1854.
Au cours de ces deux décennies, outre l'aménagement final et la décoration, dans le style "néo-royal", de l'ancienne chambre de Bussy, alors dite "Sévigné", Sarcus engage la restauration totale de la galerie des Rois, jusqu'à lui donner l'aspect que nous lui connaissons aujourd'hui. Sa monographie sur le château, parue en 1854, précise l'étendue des travaux : réfection du plafond à solives, peint en vert et agrémenté de tourillons dorés, extension des boiseries par obturation des fenêtres donnant sur le parc au moyen de panneaux ouvrants, encastrement des portraits au-dessus d'un lambris d'appui qui reprend le modèle de la♂5alle des Devises.
Qui est Roger de Bussy ?
Roger de Bussy-Rabutin, né le 13 avril 1618 à Saint-Emiland, et décédé le 9 avril1693 à Autun
est comte de Bussy, lieutenant-général de armées du roi Louis XIV, courtisan de la cour de France, philosophe et écrivain épistolaire, pamphlétaire, satirique et libertin , membre de l'Académie française.
Son lien de famille avec Mademoiselle de Chantal, future Madame de Sévigné ?
Avec Marie de Rabutin-Chantal (1626-1696), sa cousine germaine* par alliance, devenue marquise de Sévigné par
mariage, en 1644, avec Henri de Sévigné (1623-1651), Roger de Bussy entretint durant quarante-sept années, un commerce épistolaire fait de brouilles et de réconciliations.
"Cette belle n'est amie que jusques à la bourse", ironise le "cher cousin " dans le portrait féroce qu'il dresse -pour se venger du refus d'un prêt - dans son "Histoire amoureuse".
Il s 'emporte parfois : "Je remarque que vous avez, à point nommé, quand vous m’écrivez, des occasions de picoteries dont je me passerais fort bien" (1er février 1671, Correspondances, vol. I), mais sait aussi e montrer flatteur : "Que ferais-je au monde sans vous, ma pauvre chère cousine ? Avec qui pourrais-je rire ? Avec qui pourrais-je avoir de l'esprit ?" (5 novembre 1687, Correspondance, vol. III.
La marquise, qui vient assez souvent en Bourgogne, séjourne à Bourbilly, l'une de ses demeures de famille, ou chez ses cousins Guitaut, dans leur château voisin d'Epoisse
Elle rend également visite à Roger de Bussy au château de Chaseu, près d'Autun, sa demeure principale, détruite vers 1830, mais n'aurait jamais résidé à Bussy; sa maison d'été.
Auteurs complices, les deux cousins inventent ensemble le "rabutinage", genre littéraire où ils rivalisent en traits d'esprit et railleries divertissantes.
Une des oeuvres de Bussy, critique littéraire reconnu par ses pairs, est d'avoir su déceler l'intérêt des lettres de la marquise.
Non seulement il garda une grande partie de celles qu'elle lui avait adressées, mais il fit en sorte que ses enfants et son ami Bouhours en prennent soin pour la postérité.
* en savoir un peu plus sur le lien de parenté entre Mme de Sévigné et Roger Bussy-Rabutin : https://www.cairn.info/revue-dix-septieme-siecle-2008-4-page-633.htm
L"illustre" malheureux en exil :
"Les illustres malheureux" : ce titre, donné, donné à la réimpression en 1694 du discours
posthume de Bussy à ses enfants, évoque bien la situation de l'auteur, alors que, malade, libéré en 1666, à quarante huit ans, ordre lui est donné de quitter Paris, par la cour, donc le roi. Hormis de brefs séjours à Paris, où il loge au Temple cheZ son oncle, entre 1672 et 1690, séjour autorisés ou parfois clandestins, le voici reclus en ses terres bourguignonnes qui, peu rentables, lui vaudront de constants soucis financiers.
Durant ses seiZe ans de relégation, il cherche à obtenir la lettre de rappel qui mettrait un terme à son humiliation : plus de cinquante courriers adressés au souverain sollicitent la "permission de servir de nouveau". En vain ! Le roi, qui l'autorise bien à assister à son lever en 1682, le repousse en 1687 et ne reçoit Bussy de bonne grâce à la cour qu'en 1690, trois ans avant la mort de ce dernier. Une rente versée à compter de 1691 ne lui fera pas oublier que d'autres que lui, Boileau et Racine, en 1677, lui ont été préférés pour le poste honorifique d'historiographe du roi. Support de son talent de mémorialiste, ses lettres, qu'il diffuse lui-même volontiers, ont contribuer à son élection au vingtième fauteuil de l'Académie française en 1665, sur la proposition du chancelier Séguier, protecteur de l'Académie et du duc de Saint-Aignan, "conseiller littéraire" de Louis XIV. Ses mémoires et ses lettres l'aident à supporter son exil. il reste ainsi très informé de l'actualité de la vie parisienne et de la cour royale, à l'affût de la moindre nouveauté qu'il utilise pour composer son décor quotidien.
Les dangers d'une plume d'esprit :
En 1654, Roger de Bussy compose, à l'imitation de la Carte du Tendre de Mlle de Scudéry, une Carte du pays de Bracquerie, qui dévoile les galanteries des dames de la cour. Cet esprit vif et moqueur est bien vire reconnu par ses railleries et chansons satiriques.
Plus tard, du vendredi Saint à Pâques, il participe à la "débauche de Roissy" où, avec d'autres mauvais sujets, Vivonne, Manicamp, Gramont et le futur cardinal Le Camus, il chante des alléluias obscènes. Bussy avait également improvisé des couplets sur les amours du roi avec Marie Mancini : le scandale l'expédie dans ses terres bourguignonnes pour un premier exil de quelques mois. Il devient peu à peu indésirable à la cour, même si ses Maximes d'amour ou Questions en proses décidées en vers (1664), plaisent à Monsieur, frère du roi. En 1660, pour divertir la marquise de Montglas, sa maîtresse, alors malade, il commence à composer à Bussy son Histoire amoureuse des Gaules où il place le récit romanesque de début de sa liaison. mais son "roman satirique", inspiré directement du Satiricon de Pétrone, raconte aussi les aventures galantes des dames de la haute société. les noms masqués ou les surnoms ne laissent pas de doute sur les victimes du railleur : après les longues histoires "d'Ardélise" et d'"Angélie", faisant allusion aux vies de Mme d'Olonne et Mme de Châtillon, prend place celle de "Mme de Cheneville", portrait perfide de sa cousine, la marquis de Sévigné qui n'est pas épargnée. Avec une verve aussi audacieuse que le Boileau des Satires (1666), mais moins prudente, il brosse des portraits féroces, faits d'observations sarcastiques et précises.
Il réserve la lecture du manuscrit à ses meilleurs amis, et en 1662, le prête à Mme de la Baume, qui le recopie. Une édition imprimée en Hollande est diffusée à la cour dès 1663. Son récit connaît une certaine notoriété. Une suite, dont Bussy se défend d'être l'auteur, provoque un énorme scandale et sa disgrâce : le roi; qui peut rire à loisir des malheurs des autres, ne tolère pas que l'on se gausse de ses amours avec Louise de La Vallière. Bussy est embastillé le 17 avril 1665.
Tableau d'après Juste d'Edmont (Tour dorée)
"La plus belle femme de son temps, mais moins fameuse pour sa beauté que pour l'usage qu'elle en fit" selon Bussy
Les jardins :
En 1929, l'Etat devient propriétaire et engage des travaux de conservation et de restauration.
L'architecte en chef des Monuments historiques, Frédéric Didier, projette dès 1989 la reconstitution architecturale et paysagère du parc.
Il se fonde principalement sur le plan de Geneviève Alexis de Salins, du XVIIème siècle, tout en conservant certains aménagement du XIXème siècle.
Les travaux de restauration sont réalisés de 1991 à 1993; un déboisement et retraitement des sols précèdent le renouvellement végétal.
Le deux tours rondes marquant l'extrémité de ailes et et ouest évoquent, par leur architecture, l'ancienne maison forte médiéval.
La cour d'honneur du château :
Conçu sur un plan en U cantonné de quatre tours rondes,le château et entouré de douves
bordées de murs maçonnés en moellons non équarris et posés à sec. Malgré la présence d'un terre-plein qui peut évoquer une fausse-braie (1), il est difficile de prouver l'utilité de éléments de fortifications (meurtrières ...) tant l'édifice à l'aplomb d'une colline escarpée, parait être difficile à défendre. En revanche, la largeur du terre-plein permettait de faire le tour du château en "voiture".
Passé le pont dormant bordé de balustres (2) en pierre, la cour d'honneur attire l'attention par la diversité de la décoration de ses façades ainsi que par le contraste entre l'austérité des couvertures d'ardoise, la blancheur de la pierre sculptée des galeries et les reflets dorés du corps de logis. La file de balustres se poursuivait peut-être vers les ailes du château, comme le laissent supposer la présence d'un balustre engagé dans le mur de la tour sud-est ou les gravures du château de l'époque romantique.
Les trois cadrans solaires (où figure la lune...), les girouettes des toitures ajoutent encore au pittoresque des façades.
(1) Fausse braie https://fr.wikipedia.org/wiki/Fausse_braie
(2) Balustre : petit support vertical généralement assemblé avec d'autres pour former une balustrade; il est engagé lorsqu'il est en partie noyé dans la maçonnerie.
La visite intérieure du château :
Les galeries :
Si les grosses tours rustiques coiffées de toitures coniques à lanternon rappellent l'origine
médiévale du château, les galeries construites autour de 1520 présentent tous les éléments typiques du décor de la première Renaissance française. Les ailes du château sont constituées de galeries portées par cinq arcades en anse de panier reposant sur de massives piles carrées flanquées de pilastres superposées qui délimitent fortement chaque travée.
La modénature (1) précise de chaque arcade et des fenêtres carrées, le raffinement des décors en léger relief, tout indique l'intervention d'une équipe formée à ce qui se faisait de mieux alors dans les châteaux du Val de Loire édifiés dans l'entourage royal.
(1) Modénature : effet obtenu par le choix des profils et des proportions de la mouluration.
De gauche à droite :et de haut en bas : Jeune femme à la coiffe en résille, jeune homme casqué, Mme de Chantal, Colbert
La salle des Devises :
Le mobilier de la salle des Devises
Le comte de Dunois d'après Simon Vouet (1590-1649) et Diane de Poitiers d'après François Clouet (1515 - 1572)
La salle des Hommes de guerre : Dans cette grande antichambre, Bussy a placé sur deux rangs les portraits de 65 "hommes illustres à la guerre" français et étrangers, le comte de Dunois, compagnon de Jeanne d'Arc étant le plus ancien. les représentations de Roger de Rabutin et de ses collègues maîtres de camp voisinent avec celles de quelques maréchaux de France soigneusement choisis.
La chambre de Bussy :
C'est une des pièces qui a connu le plus grand nombre de modifications.
La chambre, cloisonnée en trois pièces avant 1835, est réaménagée par Sarcus avec un mobilier typique du 19ème siècle et ses propres achats d'oeuvres d'art.
Les tableaux n'étaient pas encastrés comme ailleurs, et les divers changements de place ultérieurs ont fait perdre toute possibilité d'identification de plusieurs portraits, qui demeurent sans rapport avec les inscriptions peintres par Sarcus sur les cloisons;
L'état actuel date des années 1950 : les représentations des dames de la famille, des maitresses des rois de France se trouvent mêlés à beaucoup d'acquisitions du 19ème siècle
Sans ordre chronologique, madame de Maintenon, madame de Fontanges, Agnès Sorel et Ninon de Lenclos, voisinent avec madame de la Sablière, l'amie de Jean de la Fontaine.
L'appellation "chambre Sévigné", donné un temps à cette pièce, vient de la réunion artificielle, dan un triptyque fabriqué par Sarcus en 1836, des portraits de madame de Sévigné et madame de Grignan, sa fille et de Louise de Rouville, la seconde épouse de Bussy.
La chambre de Mme de Sévigné
Aménagée par le comte de Sarcus au 19ème siècle, rebaptisée "chambre de Bussy en 1948"
Carte postale vers 1937
La Tour dorée "Le plus beau salon de France"
Portrait de Bussy-Rabutin en empereur romain, attribué à Juste d'Edmont vers 1646 (1601-1674)
Tour dorée
La chapelle du château :
Château de Bussy-Rabutin :
Ouvert T. les J., sauf 1er janvier, 1er mai, 1er et 11 novembre, 25 décembre.
21150 Bussy-le-Grand
Tél. : 03 80 96 00 03
Courriel : http://chateau-de-bussy-rabutin@monuments-nationaux.fr
Lien site : http://www.chateau-bussy-rabutin.fr/
Accès : depuis Montbard : D905. Paris-Lyon sortie Bierre-lès-Semur, D980, Semur-en-Auxois D954 Venarey-les-Laumes
Accès transports en commun ; TGV gare de Montbard.
Lien site Wikipédia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Ch%C3%A2teau_de_Bussy-Rabutin
Sources documentation : Château de Bussy-Rabutin, C.M.N.
Editions du Patrimoine Centre des Monuments Nationaux Bourgogne
Judith Kagan, conservateur général du Patrimoine.
Merci aux personnes de l'accueil du château pour leurs aimables conseils et renseignements précieux.
Voir aussi l'article sur l'abbaye de Fontenay, à deux pas du château de Bussy : voir plan ci-desus : http://jeanpierrekosinski.over-blog.net/2017/07/l-abbaye-de-fontenay.html
Bonne visite !
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