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L'artiste

  • : Le blog de Jean-Pierre Kosinski.
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4 mai 2018 5 04 /05 /mai /2018 12:06

Camille et son œuvre  :

Au regard de la légende de Shakuntala, que je vous propose de découvrir ou redécouvrir dans la

rubrique "mythes et mythologie", Camille Claudel propose une sculpture narrative et symboliste par l'intermédiaire de laquelle elle affronte pleinement la question de la composition. Exposé en plâtre au Salon de 1888 sous le nom de Sakountala, ce groupe de sculptures inspiré d'un drame hindou représente les retrouvailles de Sakountala et de son mari au nirvana.

En effet la légende hindoue de Shakuntala et du prince Dushanta, se perdant puis se retrouvant inéluctablement au Nirvana, devient sous les doigts d'artiste de Camille Claudel, une représentation gréco-romaine, puis passe, matériellement, à la notion psychologique d'abandon, au sens amoureux du terme. Cela témoigne de la part de la sculptrice, d'une évolution interne du sens de l'oeuvre et se manifeste par des nuances parfois légères entre les différentes versions.

Il est intéressant et frappant de constater qu' à partir de cette œuvre

dupliquée à l’envie, avec à chaque fois d’infimes variations apportées à la sculpture, Camille Claudel pouvait réutiliser les visages d’une œuvre à une autre, ou tout simplement changer les titres selon le matériau utilisé, racontant ainsi de nouvelles histoires. Ainsi l'ouvrage devenait Vertumne et Pomone en marbre, puis L'Abandon en bronze.

A l’évidence, la réunion de toutes ces créations permet de comprendre quasi instantanément, que Camille Claudel n’a jamais cessé de retravailler son œuvre dans un processus de réitération ininterrompu.


 

Une autre œuvre de Claudel, intitulée "le Psaume" réutilise le visage de Shakuntala et constitue également une étude sur les variations possibles et sur le sens nouveau que peut prendre un élément détaché et placé ainsi en exergue. Ainsi de l'Inde on passe à la province Française, de la mystique hindoue on passe à l'émotion chrétienne, enfin de l'amour humain on passe à l'amour divin...

Sakountala ou Vertumne et Pomone ou l'Abandon

Sakountala :

Camille Claudel (1864 -1943)

1905

Marbre blanc sur socle en marbre rouge

H. 91 cm ; L. 80,6 cm ; P. 41,8 cm

S.1293

Signé sur la terrasse à l'arrière : "Camille Claudel"
Titré : "Vertumne et Pomone"

La sculpture a connu divers matériaux et divers titres. Tirée d’une pièce de théâtre indienne évoquant les retrouvailles de Sakountala avec son mari, après une longue séparation due à un enchantement, l’œuvre connaît une première réalisation en plâtre vers 1886. Malgré des demandes réitérées et l’espoir déçu d’une commande de l’État, le groupe n’est réalisé en marbre, grâce à la comtesse de Maigret, qu’en 1905. Il porte alors le titre de Vertumne et Pomone.

 

Le bronze, fondu par Eugène Blot, est présenté la même année 1905 au Salon d’automne sous le titre de L’Abandon. De la mythologie hindoue l’on passe ainsi à la mythologie grecque puis à la psychologie ou à l’histoire intime.

 

Les variantes observées entre les différentes versions témoignent des recherches poursuivies par l’artiste. Le changement de titre, accompagné d’un changement du matériau, met en évidence cette variation des lectures et du sens qui est aussi un des éléments de cette recherche.

Sakountala, Vertumne et Pomone ou L'Abandon de Camille ClaudelSakountala, Vertumne et Pomone ou L'Abandon de Camille Claudel

Vertumne, dont le nom signifie « tourner, changer », était sans doute un roi d'Etrurie qui, à cause du soin qu'il avait pris des fruits et de la culture des jardins, obtint, après sa mort, les honneurs de la divinité. Ce qu'il y a de certain, c'est que son culte passa de chez les Etrusques à Rome où on le considérait comme le dieu des jardins et des vergers. Ses attributions différaient de celles de Priape : il veillait surtout à la fécondité de la terre, à la germination des plantes, à leur floraison et à la maturation des fruits.

Il avait le privilège de pouvoir changer de forme à son gré à l'instar de Protée, et il eut recours à cet artifice pour se faire aimer de la nymphe Pomone qu'il choisit pour épouse. Ce couple heureux et immortel vieillit et se rajeunit périodiquement sans jamais mourir. Vertumne a donné sa foi à la nymphe et lui voue une inviolable fidélité.

Dans cette fable l'allégorie est transparente ; il est clair qu'il s'agit de l'année et de la succession ininterrompue des saisons. Ovide semble appuyer cette conception de Vertumne, puisqu'il dit que ce dieu prit successivement la figure d'un laboureur, d'un moissonneur, d'un vigneron, enfin d'une vieille femme, désignant ainsi le printemps, l'été,

l'automne et l'hiver.

Vertumne avait un temple à Rome, près du marché aux légumes et aux fruits dont il était le dieu tutélaire. Il était représenté sous la figure d'un jeune homme avec une couronne d'herbes de différentes espèces, tenant de la main gauche des fruits, et de la droite une corne d'abondance.

 

Pomone ou Pomona, nymphe d'une remarquable beauté, est la divinité des fruits.. Elle déteste la nature sauvage et lui préfère les jardins soigneusement entretenus.

Aucune nymphe ne connaissait comme elle l'art de cultiver les jardins et surtout les arbres fruitiers. Pomone n'avait aucune attirance pour les hommes mais fut recherchée en mariage par tous les dieux champêtres.

L’œuvre de Camille :

Camille Claudel avait 24 ans lorsque la version initiale de grande dimension parut au Salon des Artistes Français en 1888, sous le nom indou de "Sakountala". une deuxième version en bronze de dimension réduite fut éditée par le fondeur Eugène Blot pour l'exposition de 1905 sous le nom de "L'Abandon". Une troisième version en marbre en taille directe de cette dernière époque a été présentée au Salon des Artistes Français sous le titre de "Vertumne et Pomone".

Le destin de "Sakountala" révèle la signification de l’œuvre.

 

Sakountala (1), drame indien du Vème siècle :

Le grand dramaturge indien, Kalidasa, qui vécut au Vème siècle, écrivit en sanskcrit le drame de cette jeune fille de brahmane : dans son ermitage des rives du Gange, elle fut surprise par ses compagnes de jardin par le prince Douchanta, qui pourchassait une gazelle. Il la contemple à travers les branches d'un manguier, sort de son embuscade, et lui offre le gage nuptial de l'anneau. Telle la fiancée des anciens épithalames, Sakountala se donne à son roi.

Conduite par l'ambassade du roi, Sakountala, parvenue à la cour, n'est pas reconnue par son

fiancé, qui renie ses serments : l'anneau avait glissé le matin dans le lac des ablutions. Désespérée, vêtue en veuve, elle s'enfuit au désert.

Un jour, un pêcheur rend au roi l'anneau découvert dans le ventre d'un poisson. A la vue de l'alliance, Douchanta recouvre la mémoire, et assailli de remords, recherche sans relâche la répudiée.

Précédée d'un jeune garçon,qui porte sur son visage la ressemblance du prince, sa mère, Sakountala, apparait hâve de souffrance : le roi s'agenouille à ses pieds et avoue son aveuglement. Sakountala heureuse et confiante s'abandonne aux bras qui se tendent.

 

Camille Claudel a éternisé cet échange de la supplique et du pardon qu'est une réconciliation !

L'homme implore à genoux, couple talons joints, un bras, invite déjà de valse, dans le suspens de ceindre les hanches désirées; l'autre en étai prend charge d'un corps et son destin.

La femme rejette son assise de cep à pampres, et le pied claudiquant, le corps en bascule, fait foi en son amant pour trouver l'appui et l'élan à se lever. Une main défend encore un sein et ce ventre avide de mère, l'autre pend en grappe mûre. Les paupières sont closes sur la gravitation du bonheur.

Les deux corps se joignent, non par les mains ou par les lèvres, mais par cette tempe de femme qui absout, et ces yeux d'homme qu'aveugle le poids d'une tête chérie. Et la bouche mâle murmure à l'oreille ce secret d'amour qui abolit toute offense.

Vues de l'atelier de Camille

Sources : "L’œuvre de Camille Claudel" de Reine-Marie-Paris et Arnaud de la Chapelle. 1990

(1) Sakountala ou Shâkountalâ (en sanskrit Abhijñānaśākuntala) ou Shakuntala, sans accent.

Camille travaillant sur son œuvre "Sakountala"; à droite son amie Jessie Liscomb

(Collection Elborne)

Sakountala, Vertumne et Pomone ou L'Abandon de Camille Claudel
Sakountala, Vertumne et Pomone ou L'Abandon de Camille ClaudelSakountala, Vertumne et Pomone ou L'Abandon de Camille Claudel
Sakountala, Vertumne et Pomone ou L'Abandon de Camille ClaudelSakountala, Vertumne et Pomone ou L'Abandon de Camille Claudel
Sakountala, Vertumne et Pomone ou L'Abandon de Camille ClaudelSakountala, Vertumne et Pomone ou L'Abandon de Camille Claudel

 

"L'Abandon" Camille Claudel et son musée de Nogent-sur-Seine

Etudes sur l’œuvre de l'Abandon de Camille Claudel :

dessins et aquarelle 2020

Encre Havana plume et lavis janvier 2021 format 30 x 20 cm

Encre plume et lavis bleu violet L'Abandon de Camille Claudel 1905 réalisation février 2021

"Sakountala"

d'après l’œuvre de l'artiste, une étude en plâtre de 1888, musée Bertrand à Châteauroux.

Sakountala, Vertumne et Pomone ou L'Abandon de Camille Claudel

"L'Abandon" ou "Sakountala",  une copie achetée en décembre 2023

D'après le modèle en bronze de 1905 fonderie Eugène Blot à Paris;

18 exemplaires ont été fondus entre 1905 et 1922 du vivant le l'artiste.

Un exemplaire de 62 centimètres de haut à été vendu aux enchères chez Artcurial à Paris 1.2 million d'euros. Son estimation avait été chiffrée entre 50.000 et 70.000 € par les experts.

 

 

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